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  • Les bacs à fleurs

Cette anecdote aurait mieux été placée dans la série “notations”. Je l’ai oubliée (le désordre toujours, après les services d’ordre ! - dixi Lydie). Lieutenant au 7e arrondissement (officier de paix à l’époque) mon collègue de Gentilly m’avise qu’en ronde de nuit, dans la “banalisée” de son service, il avait arrêté un gardien de la paix de ma brigade. Il m’explique que des vols fréquents de matériaux ont lieu sur un chantier de construction en cours sur la nationale 20, à proximité du carrefour dit de la “Vache Noire”. Des plaintes ont été déposées à son commissariat. en conséquence, il avait placé un service en civil aux abords de ce chantier. ses hommes, planqués derrière les palissades, avaient été intrigués par le manège d’un individu. il transportait des objets pesants de la terrasse d’un garage situé sur le trottoir opposé aux travaux, à une voiture stationnée à proximité. Interpellé, l’homme avait reconnu dérober des bacs à fleurs pour décorer son jardin. Il était nu-tête et, sous son imperméable, en tenue de gardien de la paix.

Mon collègue me demande mon avis sur les suites à donner à cette affaire, qui pouvait rester entre nous. il suffisait de remettre en place les bacs à fleurs et de s’en tenir à des mesures administratives. L’anecdote relatée au chapitre de “l’handicapée” laisse cette alternative possible, évidemment clandestine et même dangereuse pour un chef de service. Il est humain, sinon normal, de tirer d’affaire un homme accidentellement fautif, mais habituellement honnête, lorsque les faits ne présentent pas un caractère de gravité et qu’ils sont immédiatement réparables. en d’autres termes, il lui faut un solide dossier et le bien connaître.

L’ennui, c’est justement que, le cas échéant, je le connaissais bien et mes brigadiers aussi. Ce n’était pas vraiment un homme auquel on devait retourner l’ascenseur, vu que de lui-même, il ne l’avait jamais envoyé. C’était le genre “moins j’en fais, mieux j’me porte”, toujours avare de son temps et nullement pressé de rendre service. Un garçon peu sûr se dérobant à chaque occasion. il habitait à sceaux où sa femme était gardienne d’un établissement religieux. en raison de l’horaire des trains de la ligne de sceaux, il arrivait sur un point de service à relever sur place, une vingtaine de minutes avant l’heure fixée. il aurait pu, sans gêne pour lui, en faire bénéficier sa relève, mais il préférait attendre l’heure pile pour se présenter à son poste, quitte à faire rater une correspondance à son collègue… et bien d’autres petites mesquineries du même genre.

Après avoir entendu le conseil des gradés présents, je décidais de rappeler mon collègue de Gentilly et de lui signifier mon refus d’intervenir.

Il fut suspendu six mois et s’en tira grâce à l’appui de l’Archevéché de Paris. Plus tard, j’eus l’occasion de le revoir au commissariat central du treizième arrondissement. Il paraît qu’il avait bonifié sa manière de servir.

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